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Titre du blog : GUNU-YAMBASSA
Auteur : bouaitai
Date de création : 15-02-2009
 
posté le 15-02-2009 à 21:00:46

BOKITO, d'hier à demain : l'histoire de la leçon, les leçons de l'histoire, la leçon de l'histoire.

« Les poissons s’étaient retrouvés se mangeant entre eux dans l’eau »

Telle se dit la légende, devenue proverbe, que les hommes et les femmes d’ici évoquent encore, chaque fois que l’un d’entre eux se fait présenter un parent jusque-là inconnu de lui. Traduction : l’ignorance de leurs liens de parenté peut amener un homme à nuire à son propre frère ou à sa propre sœur.

Or, dans une culture ancestrale où l’on tenait le sang et l’inceste en horreur, ce proverbe traduisait de la volonté de ne pas se trouver face à une telle tragédie. Tout était donc mis en œuvre pour éclairer les plus jeunes sur ces parents qui se retrouvaient séparés du reste de la famille par les liens du mariage et par la distance. Et on se connaissait.

Mais ce qu’il convient d’appeler aujourd’hui les survivances d’une « bonne » tradition, comme l’évocation du proverbe ci-dessus, ne s’accommode plus cependant d’une connaissance profonde, par les concernés, de leurs origines et de leurs liens.

Résultat, les tragédies incestueuses et fratricides se multiplient devant l’histoire. On l’a vu en Palestine, entre les Juifs et leurs cousins Arabes, séparés par la seule façon d’adorer Dieu. On l’a vu au Rwanda, avec les Tutsi et les Hutu, des frères que seul le mode de vie d’éleveurs ou d’agriculteurs séparait désormais, selon une classification établie au contact des Occidentaux.

 

L’histoire de la leçon

            L’histoire de la leçon qui s’écrit ici, inspirée des tragédies de l’Histoire, comme celle du Rwanda, puise dans l’évolution peu heureuse du peuple Yambassa aujourd’hui.

            Voici en effet des hommes et des femmes qui croient s’identifier désormais à des arrondissements, Ombessa et Bokito, dont l’objet de la création de l’un à partir de l’autre était ailleurs.

            IL faut relever pour le déplorer, né de Bokito, Ombessa en est aujourd’hui un rival dans l’esprit des uns et des autres. Viendra même un jour, le temps faisant son œuvre, où l’on pourrait oublier qu’on a été ensemble un jour, qu’on est frères. Les Bokitois n’hésitent désormais  plus à voir en leurs frères d’ombessa des gens qui ne se soucient que de leur promotion, quand l’un d’entre eux est appelé aux affaires et vice-versa.

            Le problème n’est pas celui de savoir si ceci est vrai ou non, mais que la question puisse même se poser, juste parce que l’on n’est « administrativement » divisé, est ce qui est inadmissible.

            Bien plus, on voit aussi aujourd’hui, à l’intérieur même de l’arrondissement de Bokito, les uns et les autres retranchés obstinément derrière leurs cantons et même leurs villages respectifs. Il faut d’ores et déjà redouter l’exacerbation de ces barrières lorsque chaque canton, à commencer par Yangben et Elip, sera doté de « son » arrondissement.

            Plus grave, ceux du canton dit « Lémandé » (en réalité « Oman’d » )se disent être une minorité noyée dans le pays Yambassa. Du coup, s’ajoute un autre problème, surgi en réalité de la modernité, du contact avec l’Occident.

            Et pourtant, ces leçons communes qui interpellent chaque Bokitois, chaque Camerounais et même chaque Africain sont dans le grand livre de l’Histoire; l’histoire d’une origine commune et d’une même culture, présente dans la langue comme peut en témoigner l’onomastique, cette science des noms propres; l’histoire de petites différences à débusquer, accumulées au fil des ans et des siècles, ainsi que suite à des migrations aux effets réels mais somme toute limités si l’on pouvait se gêner de prendre à témoin la toponymie, cette science des noms des lieux.

 

Les leçons de l’histoire

Les trappes de l’histoire sont nombreuses. Dans la vie des nations comme dans celle des hommes. Aussi faut-il prendre la peine d’interroger ses origines et sa culture, l’Histoire en somme, pour ne pas se laisser piéger.

            Origine commune. L’histoire des hommes et des femmes peuplant les arrondissements de Bokito et d’Ombessa -et même au-delà- est d’abord celle d’une origine commune. A en croire les témoignages transmis de génération en génération que l’on peut considérer aujourd’hui comme une simple légende, les Yambassa seraient tous descendants des enfants d’Ombon’ Makala :

-         Pon’o  Ombono (aujourd’hui Bongo, la mauvaise transcription des Blancs aidant);

-   Kalong Ombono (nom qui existe encore pour désigner le chef-lieu du canton Yangben, officiellement connu aujourd’hui sous ce nom;

-    Kiki  Ombono (village de l’arrondissement de Bafia dont les habitants sont encore appelés « Beke », pour dire Yambassa, par les autres bafias;

-    Kon’ Ombono (nom qui survit chez les Yambassa bien que ses descendants soient connus aujourd’hui sous l’appellation Gounou, auquel d’ailleurs l’administration a ajouté Nord et Sud pour en distinguer les cantons constituant l’arrondissement Ombessa, d’une part, et appartenant encore à l’arrondissement de Bokito, d’autre part);

-     Omand’ Ombono (devenu Lémandé du fait de la mauvaise transcription des Blancs, même si chez les Lémandés justement, on sait que l’on est des Oman’d) ;

-       Omen’d   Ombono (aujourd’hui Omendé).

 

C’est ici, avec ces deux derniers noms, qu’il faut enregistrer la première leçon de l’Histoire. Car, il est invraisemblable que Ombono ait donné le même nom à deux de ses enfants. Il y a donc plutôt lieu de penser que le village dit Omendé Ombono n’était que le résultat d’un groupe de descendants d’Omand’ Ombono qui, s’étant installés où Omendé se trouve aujourd’hui, du fait des migrations économiques ou militaires, ont transmis à leurs enfants, de génération en génération, l’histoire selon laquelle leur ancêtre était l’un des enfants d’Ombono; dans le même temps Omand’ en faisaient autant ailleurs, sans qu’ils sachent ou se rappellent nécessairement, les uns et les autres, l’existence de ses frères que l’Histoire et la Géographie avaient éloignés d’eux.

            Cette interprétation est d’autant plus plausible que la toponymie des pays aux mouvements migratoires plus récents comme les Etats-Unis est venue confirmer la tendance des hommes à rebaptiser leurs nouveaux territoires des mêmes noms que les précédents. On a ainsi des Paris et des London partout aux Etats-Unis, des Victoria partout dans le monde, là où les sujets de sa Majesté la Reine d’Angleterre ont planté le drapeau britannique, y compris au Cameroun, avec l’actuel Limbé.

            La carte du Cameroun fait d’ailleurs ainsi ressortir des noms comme Yebekolo dans le Mbam et Yebekolo dans le Sud; Nkolondom à l’entrée Nord de la ville de Yaoundé et dans le département de la Mvila, etc….

            Et quand on regarde la carte des arrondissements de Bokito et d’Ombessa, on s’aperçoit bien, à titre d’exemple, que des noms comme Ombano (probablement une transformation de Ombono) et Bougn’Alam qu’on a chez les Bougnoungoulouk en pays Lémandé se retrouvent chez les Bakoa, de même que Bougn’Alam, Ombano et Bakoa se retrouvent chez les Bouraka.

            Alors, les Lémandé ou Omand’ dont on dit d’ailleurs qu’ils sont les descendants du premier fils d’Ombono vus comme minorité en pays Yambassa ? Cela ne peut être que le fait de l’ignorance de cette origine comme peuvent en témoigner aussi plusieurs survivances de la culture ancestrale Yambassa.

 Même culture. Il est fort aisé aussi d’établir la communauté de culture des femmes et des hommes qui peuplent les arrondissements de Bokito et d’Ombessa. Voici en effet des gens qui, tous, à l’exception peut-être des Nyamanga, ne mangent pas la tortue, s’initient à l’Eloumou et à son corollaire Munènè, pour les hommes, et à l’Onol, pour les femmes, se servent du Megning et du Mback pour se purifier et portent les noms même de ces rites d’un bout à l’autre de la communauté.

            On remarquera ensuite que la langue immuable des tam-tams dans laquelle s’expriment encore aujourd ‘hui les messages et les proverbes de la communauté Yambassa n’est rien d’autre que la langue connue aujourd’hui comme la langue Lémandé/Omandé. Cela représente, à tout le moins, une forte présomption en direction de l’affirmation selon laquelle cette langue serait la langue originelle des Yambassa, à moins d’avoir été leur latin, et l’autre selon laquelle aussi Omand, fils aîné d’Ombono, en aurait été l’héritier.

            Il faut par ailleurs s’arrêter sur les nombreuses survivances linguistiques qui suggèrent la commune origine des peuples concernées, même s’il faut relever l’orientation vers les sons sonores (mbaga) chez les Gounou (Kon) d’une part, vers les sons sourds (mback) chez les autres, d’autre part.

            On a ainsi, à titre purement indicatif, des expressions rapprochantes  comme :

-         Ya me kendin (chez les Omand’) qui donne kikendin kiam (chez les Bongo); et endin wam (chez leurs voisins immédiats, les Omendé), pour dire: c’est mon ami;

-         Yiendin (chez les Omand’ ) qui donne kiendine ( chez les Omendé et les Kalong); pour dire: un enfant, en termes d’âge;

-         Ikot  (chez les Omand’) qui donne kikoti (chez les Omendé et les kalong), pour dire: interdit;

-         Issamb kolokosok  (chez les Omand’) qui donne Issam kolokossoko (chez les M’mala), et Issemb kolokosoko (chez les Omendé et les kalong) pour dire: le terrible et redoutable;

-         Nipan, dans tous les cas, pour dire d’une femme qu’elle est allée s’offrir en mariage, en dehors de la procédure habituelle;

-         Innomb (chez les Omand’) qui donne muonombo’o (chez les M’mala), pour dire: un enfant, en termes d’initiation et de connaissance.

 

            Et pour qui sait que la langue est le support par excellence de la culture, ces occurrences semblables et identiques  que recèlent les langues des peuples concernés, y compris telles que figées dans le langage des tam-tams, ne peuvent être le fait du seul hasard ou de choses empruntées. Car, il n’est pas jusqu’au juron le plus fort pour les gens d’ici, puisqu’il en évoque les forces les plus mystiques, pour suggérer cette communauté d’origine. On dit ainsi invariablement, selon les cas, Oloum na Munana ou Eloumou nè Munènè.


La leçon de l’histoire

La leçon qu’il convient, au bout du compte, de retenir de l’histoire contée ici est donc l’invitation qui devient naturelle pour les peuplades des arrondissements de Bokito et d’Ombessa, et même au dela, à se regarder dans le miroir de l’autre, hier si distant et aujourd’hui si proche ; dans tous les cas, plus souvent qu’on ne le croit. C’est l’invitation à se rappeler tous ces liens de sang qui refusent le sang et que la division administrative d’hier ou de demain ne devrait jamais gommer. Sauf à devenir des poissons dans l’eau, ou à vouloir le devenir.

 
 

Commentaires

mellep le 07-03-2024 à 06:01:35
On en apprend des choses sur nous-mêmes. L'évocation de tous ces idiomes, noms et termes fait remonter à la surface des souvenirs profondément enfouis. Lieux parcourus à l'époque, souvent à pied.

Puis, la vie vous envoie ailleurs, très loin, très longtemps.

En tous cas, merci pour la qualité de vos travaux sur l'Histoire de chez nous.
Le Prince héritier avec droit de succession le 08-06-2017 à 14:35:57
Félicitations pour cette réappropriation de notre culture. Ce travail est formidable, mais il le serait encore si on y insérait certains composantes telles que les habitudes alimentaires, vestimentaires etc...afin de présenter l'origine de ce peuple qui subit les mêmes frasques que toutes les autres entités historiquement constituées.


En ce qui concerne mon aeuil KŌN'ŌMBŌNŌ, contrairement à ce que d'autres prétendent, connaissant le régime matrimoniale dans notre culture, il serait impossible qu'à cette époque et étant surtout le Chef d'une communauté, que ce dernier eût des enfants adultérins.

Les ASSALA, GUEFIGUE et autres sont les enfants issus des autres épouses de KŌN'ŌMBŌNŌ.


BANAGUENA Do MOUGNOL D'ÉBOULÉ Do BOGOGNI, Prince héritier avec droit de succession de la Couronne du Canton Guéni-Sud.
guedo de kedia le 07-07-2015 à 18:33:49
Je suis très heureux de connaître cette partie de mon histoire en temps que noble yambassa félicitations et bon courage.

J'ai une préoccupation celle de savoir les origines de l'ancêtre ombono.
Begni- de kedia le 17-05-2013 à 20:53:28
Good Jobs. Je suis a la recherche de ces racines tout aussi.Je sais que je suis un Yambassa descandant de Begni de Kedia.

Maintenant, tout le reste de ma culture me reste bien inconnu.
Nigoué na Bato le 21-04-2013 à 09:39:40
Bonjour,

J'ai apprécié votre travail.

Il manque cependant dans cette belle leçon d'histoire, la principale référence en matière d'histoire qui est "la datation".Un conteur dira "en ce temps-là" Mais un historien parlera de: "En..." ou," Il y a tant d'années", ou encore, "vers..." Merci à l'auteur de nous livrer une datation qui partirait de notre mère commune "OMBONO" jusqu'à l'arrivée des Allemands dans le Mbam, en pays Yambassa en particulier. A partir des dates successives, un autre chercheur pourra rapprocher l'évolution des Yambassa de celles des autres peuples du Mbam, pour y trouver des lignées voisines ou croisées.Ce travail aidera les uns et les autres à planter leur arbre généalogique dans le Mbam, au Cameroun et aussi ailleurs.

Puisqu'il semble qu'il y a des Yambassa en Centrafrique, au Kenya et même dans les Amériques, votre travail est encourageant pour nos jeunes chercheurs.

Bien cordialement

Nogoué na Bato, de la famille des Boyambono d'Ombessa.
ateps le 18-11-2012 à 14:45:06
Bonjour, j'aimerai savoir si quelqu'un pouvait me renseigner d'ou je pourrai trouvé un livre en lémandé. j'aimerai me ressourser.

merci
yzya le 11-11-2012 à 11:05:14
Très bon travail de recherche et de restauration; en plus la volonté de partager , ne pas garder pour soi. Merci
pat boayé le 10-01-2012 à 11:40:29
il est tjr émouvant de se se retrouver dans dans de tel écrit...merci.c k je supoz é propoz par la suit c de promouvoir le retour au source pour nous ki som depui tro lonten détaché d no culture ancestral.c l une dè rèson pr lè kel,un mouv des jeune resortissan du mbam et inoubou è entrin dètre mi sur piè a ydé précisemen a biyem assi.<<la>>.pr lè intérésé m contacté o 97901666
Esthy le 11-11-2011 à 21:18:15
Je suis Omendé mais malheureusement inculte et déracinée, cet article très enrichissant me donne quelques pistes sur ce qui pourrait être mon identité au sens génétique du terme. Bravo!!!!
Esthy le 11-11-2011 à 21:17:37
Je suis Omendé mais malheureusement inculte et déracinée, cet article très enrichissant me donne quelques pistes sur ce qui pourrait être mon identité au sens génétique du terme. Bravo!!!!
pierre alaka le 16-02-2009 à 10:48:21
transcription fidèle de notre histoire commune et de nos origines; maintenant ,il faut s'apesantir sur les enfants de ces derniers pour voir à quels villages ils correspondent aujourd'hui. ex: kon'ombon (gounou) a eu trois enfants : KOA (bakoa) MBESSA (ombessa) et NTSINGUE (guientsing), les autres sont nos frères adulterins ( assala- guefigué- baliama- bouraka), il ya lieu d'approfondir tout cela pour que trace reste

bon courage